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Scène IV


Iradan, Arzame, Le Vieil Arzémon.

IRADAN

Vénérable vieillard, que viens-tu nous apprendre ?

LE VIEIL ARZÉMON

C’est un événement qui pourra vous surprendre,
Et peut-être un moment soulager vos douleurs,
Pour nous replonger tous en de plus grands malheurs.
Votre fils, votre frère…

IRADAN

Explique-toi.

ARZAME

Je tremble.

LE VIEIL ARZÉMON

De ce château fatal ils s’avançaient ensemble ;
Du quartier de César ils suivaient les chemins :
Du grand-prêtre accouru les suivants inhumains
Ordonnent qu’on s’arrête, et demandent leur proie ;
A mes yeux consternés le pontife déploie
Un arrêt que sa brigue au prétoire a surpris.
On l’a dû respecter ; mais, seigneur, votre fils,
Dans son emportement, pardonnable à son âge,
Contre eux, le fer en main, se présente et s’engage ;
Votre frère le suit d’un pas impétueux ;
Mégatise à grands cris s’élance au milieu d’eux :
Des soldats s’attroupaient à la voix du grand-prêtre :
« Frappez, s’écriait-il, secondez votre maître. »
De toutes parts on s’arme, et le fer brille aux yeux :
Je voyais deux partis ardents, audacieux,
Se mêler, se frapper, combattre avec furie.
Je ne sais quelle main (qu’on va nommer impie),
Au milieu du tumulte, au milieu des soldats,
Sur l’orgueilleux pontife a porté le trépas ;
Sous vingt coups redoublés j’ai vu tomber ce traître,
Indigne de sa place et du saint nom de prêtre ;
Je l’ai vu se rouler sur la terre étendu :
Il blasphémait ses dieux qui l’ont mal défendu,
Et sa mort effroyable est digne de sa vie.