Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/66

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LE MARQUIS.

On nous enlève Acanthe. Ah !

BERTHE.

On nous enlève Acanthe. Ah !Votre honneur
Sera honteux de cette vilenie ;
Et je n’aurais pas cru cette infamie
D’un grand seigneur, si bon, si libéral.

LE MARQUIS.

Comment ? qu’est-il arrivé ?

BERTHE.

Comment ? qu’est-il arrivé ?Bien du mal…
Savez-vous pas qu’à peine chez son père
Elle arrivait pour finir notre affaire,
Quatre coquins, alertes, bien tournés,
Effrontément me l’ont prise à mon nez,
Tout en riant, et vite l’ont conduite
Je ne sais où ?

LE MARQUIS.

Je ne sais où ?Qu’on aille à leur poursuite…
Holà ! quelqu’un… ne perdez point de temps ;
Allez, courez, que mes gardes, mes gens,
De tous côtés marchent en diligence.
Volez, vous dis-je ; et, s’il faut ma présence,
J’irai moi-même.

BERTHE, à son mari.

J’irai moi-même. Il parle tout de bon ;
Et l’on croirait, mon cher, à la façon
Dont monseigneur regarde cette injure,
Que c’est à lui qu’on a pris la future.

LE MARQUIS.

Et vous son père, et vous qui l’aimiez tant,
Vous qui perdez une si chère enfant,
Un tel trésor, un cœur noble, un cœur tendre,
Avez-vous pu souffrir, sans la défendre,
Que de vos bras on osât l’arracher ?
Un tel malheur semble peu vous toucher.
Que devient donc l’amitié paternelle ?
Vous m’étonnez.

DIGNANT.

Vous m’étonnez.Mon cœur gémit sur elle ;
Mais je me trompe, ou j’ai dû pressentir
Que par votre ordre on la faisait partir.