Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome6.djvu/93

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Pour-nous, Colette, ils ont des fantaisies,
Non de l’amour ; leurs démarches hardies,
Leurs procèdes, montrent avec éclat
Tout le mépris qu’ils font de notre état :
C’est ce dédain qui me met en colère.

COLETTE.

Bon, des dédains ! c’est bien tout le contraire ;
Rien n’est plus beau que ton enlèvement ;
On t’aime, Acanthe, on t’aime assurément.
Le chevalier va t’épouser, te dis-je.
Tout grand seigneur qu’il est… cela t’afflige ?

ACANTHE.

Mais monseigneur le marquis, qu’a-t-il dit ?

COLETTE.

Lui ? rien du tout.

ACANTHE.

Lui ? rien du tout. Hélas !

COLETTE.

Lui ? rien du tout. Hélas ! C’est un esprit
Tout en dedans, secret, plein de mystère ;
Mais il paraît fort approuver l’affaire.

ACANTHE.

Du chevalier je déteste l’amour.

COLETTE.

Oui, oui, plains-toi de te voir en un jour
De Mathurin pour jamais délivrée,
D’un beau seigneur poursuivie, adorée ;
Un mariage en un moment cassé
Par monseigneur, un autre commencé :
Si ce roman n’a pas de quoi te plaire,
Tu me parais difficile, ma chère…
Tiens, le vois-tu, celui qui t’enleva ?
Il vient à toi ; n’est-ce rien que cela ?
T’ai-je trompée ? Es-tu donc tant à plaindre ?

ACANTHE.

Allons, fuyons.


Scène IV.



ACANTHE, COLETTE, LE CHEVALIER.


LE CHEVALIER.

Allons, fuyons. Demeurez sans me craindre
Le marquis veut que je sois à vos pieds.

COLETTE, à Acanthe.

Qu’avais-je dit ?

LE CHEVALIER, à Acanthe.

Qu’avais-je dit ? Eh quoi ! vous me fuyez ?

ACANTHE.

Osez-vous bien paraître en ma présence ?

LE CHEVALIER.

Oui, vous devez oublier mon offense ;
Par moi, vous dis-je, il veut vous consoler.