Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/182

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172 ÉIMTHK DKDICATOrRF.

Que cet art ne soit pas aussi méprisé qu’il ost noble et difficile.

Que le faxhal’et les comédiens de bois ne lassent pas absolument déserter Cin))n et lj)hi</àiifi.

Oiie personne n’ose plus se faire valoir parla témérité de condamner des spectacles approuvés, entretenus, payés par les rois très-chrétiens, par les empereurs, par tous les princes de l’Europe entière. Cette témérité serait aussi absurde que l’était la bulle In cœna Domini, si sagement supprimée.

Enfin j’ose espérer que la nation ne sera pas toujours en contradiction avec elle-même sur ce grand art comme sur tant d’autres choses.

Vous aurez toujours en France des esprits cultivés et des talents ; mais tout étant dévenu lieu commun, tout étant problé- matique à force d’être discuté, l’extrême abondance et la satiété ayant pris la place de indigence où nous étions avant le grand siècle, le dégoût du public succédant à cette ardeur qui nous animait du temps des grands hommes, la multitude des journaux, et des brochures, et des dictionnaires satiriques, occupant le loisir de ceux qui pourraient s’instruire dans quelques bons livres utiles, il est fort à craindre que le bon goût ne reste que chez un petit nombre d’esprits éclairés, et que les arts ne tombent chez la nation.

C’est ce qui arriva aux Grecs après Démosthène, Sophocle, et Euripide ; ce fut le sort des Romains après Cicéron, Virgile, et Horace ; ce sera le nôtre. Déjà pour un homme à talents qui s’élève, dont on est jaloux, et qu’on voudrait perdre, il sort de dessous terre mille demi-talents, qu’on accueille pendant deux jours, qu’on précipite ensuite dans un éternel oubli, et qui sont remplacés par d’autres éphémères.

On est accablé sous le nombre infini de livres faits avec d’autres livres ; et dans ces nouveaux livres inutiles, il n’y a rien de nouveau f[ue des tissus de calomnies infâmes, vomies par la bassesse contre le mérite.

La tragédie, la comédie, le poëme épique, la musique, sont des arts véritables : on nous prodigue des leçons, des discussions sur tous ces arts ; mais ({ue le grand artiste est rare !

L’écrivain le plus misérable et le plus bas- peut dire son

I. Voyez la Lettre à M. Le G… de G, ci-dessus, page 42.

’2. Aiiioine Sabaticr, né à Castres en 17i’2, mort à Paris Je 15 juin 1817, publi.j à la fin de 1772, les Trois Siècles de la littérature française, 1772, trois vol. in-8. Voltaire en parle souvent. (B.)