Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/209

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Astérie.

On le dit. J’ignorais, au fond de ma prison,
Ce qui s’est pu passer dans ma triste maison.

Teucer.

Savez-vous que Datame, envoyé par un père,
Venait nous proposer un traité salutaire,
Et que des jours de paix pouvaient être accordés ?

Astérie.

Datame ! Lui, seigneur ! Que vous me confondez !
Il serait dans les mains du sénat de la Crète ?
Parmi mes assassins ?

Teucer.

Parmi mes assassins ?Dans votre âme inquiète
J’ai porté, je le vois, de trop sensibles coups ;
Ne craignez rien pour lui. Serait-il votre époux ?
Vous serait-il promis ? Est-ce un parent, un frère ?
Parlez ; son amitié m’en deviendra plus chère ;
Plus on vous opprima, plus je veux vous servir.

Astérie.

De quel ombre de joie, hélas ! Puis-je jouir ?
Qui vous porte à me tendre une main protectrice ?
Quels dieux en ma faveur ont parlé ?

Teucer.

Quels dieux en ma faveur ont parlé ?La justice.

Astérie.

Les flambeaux de l’hymen n’ont point brillé pour moi,
Seigneur ; Datame m’aime, et Datame a ma foi ;
Nos serments sont communs, et ce nœud vénérable
Est plus sacré pour nous, et plus inviolable
Que tout cet appareil formé dans vos états
Pour asservir des cœurs qui ne se donnent pas.
Le mien n’est plus à moi. Le généreux Datame
Allait me rendre heureuse en m’obtenant pour femme,
Quand vos lâches soldats, qui, dans les champs de mars,
N’oseraient sur Datame arrêter leurs regards,
Ont ravi loin de lui des enfants sans défense,
Et devant vos autels ont traîné l’innocence :
Ce sont là les lauriers dont ils se sont couverts.
Un prêtre veut mon sang, et j’étais dans ses fers.

Teucer.

Ses fers !… ils sont brisés, n’en soyez point en doute ;
C’est pour lui qu’ils sont faits ; et, si le ciel m’écoute,