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Le Premier Cydonien.

Peut-on croire un tel excès d’horreurs ?

Un Cydonien.

Il en est encore un bien cruel à nos cœurs,
Celui d’être en ces lieux réduits à l’impuissance
D’assouvir sur eux tous notre juste vengeance,
De frapper ces tyrans de leurs couteaux sacrés,
De noyer dans leur sang ces monstres révérés.

Datame, revenant à lui.

Qui ? Moi ! Je ne pourrais, ô ma chère Astérie,
Mourir sur les bourreaux qui t’arrachent la vie !…
Je le pourrai sans doute… ô mes braves amis,
Montrez ces sentiments que vous m’avez promis :
Périssez avec moi. Marchons.

(On entend une voix d’une des tours.)

Périssez avec moi. Marchons.Datame, arrête !

Datame.

Ciel !… d’où part cette voix ? Quels dieux ont sur ma tête
Fait au loin dans les airs retentir ces accents ?
Est-ce une illusion qui vient troubler mes sens ?

(La même voix.)

Datame !…

Datame.

Datame !…C’est la voix d’Astérie elle-même !
Ciel ! Qui la fis pour moi, dieu vengeur, dieu suprême !
Ombre chère et terrible à mon cœur désolé,
est-ce du sein des morts qu’Astérie a parlé ?

Un Cydonien.

Je me trompe, ou du fond de cette tour antique
Sa voix faible et mourante à son amant s’explique.

Datame.

Je n’entends plus ici la fille d’Azémon ;
Serait-ce là sa tombe ? Est-ce là sa prison ?
Les crétois auraient-ils inventé l’une et l’autre ?

Le Cydonien.

Quelle horrible surprise est égale à la nôtre !

Datame.

Des prisons ! Est-ce ainsi que ces adroits tyrans
Ont bâti, pour régner, les tombeaux des vivants ?

Un Cydonien.

N’aurons-nous point de traits, d’armes, et de machines !
Ne pourrons-nous marcher sur leurs vastes ruines ?