Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/409

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Y seriez-vous tombé dans mon état funeste ?
Qu’y venez-vous chercher ?

YDASAN.

Le seul bien qui me reste,
(A la prêtresse.)
Mon sang, ma chère fille… O vous, dont la bonté
Tend une main propice à la calamité,
Puisse des justes dieux la justice éternelle
Payer d’un digne prix le noble et tendre zèle
Qui donne aux grands du monde, en ces jours malheureux,
Un exemple si beau, si peu suivi par eux !

LA PRÊTRESSE.

J’ai rempli faiblement le devoir qui m’engage.

YDASAN.

Je viens sauver ma fille, et la rendre à Carthage :
Protégez-nous.

YDACE.

Hélas ! vos soins sont superflus ;
Je suis esclave.

YDASAN.

Non, tu ne le seras plus ;
Je viens te délivrer.

YDACE.

O le meilleur des pères !
Quoi ! vos bontés pour moi finiraient mes misères !

YDASAN.

Oui, de ta liberté j’ai rassemblé le prix.

YDACE.

Vous, hélas ! de vos biens les malheureux débris
Ne vous laisseraient plus qu’une indigence affreuse !

YDASAN.

Va, sois libre, il suffit, et ma mort est heureuse…
As-tu dans ta prison paru devant le roi ?

YDACE.

Non, comment pourrait-il s’abaisser jusqu’à moi ?
Comment un conquérant, du sein de la victoire,
De la hauteur du trône où resplendit sa gloire,
Pourrait-il distinguer un objet ignoré,
A de communs malheurs obscurément livré ?
Sait-il mon sort, mon nom, l’horreur où l’on me laisse ?
De Cérès en ces lieux cette digne prêtresse
A daigné seulement, dans ma captivité,