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Scène IV.



AGATHOCLE, GARDES.


AGATHOCLE.

Que vais-je devenir ? dans quel trouble il me jette !
Quoi donc ! sa fermeté tranquille et satisfaite,
D’un œil indifférent, d’un bras dénaturé,
Vient tourner le poignard dans mon cœur déchiré !
Voilà les dignes fruits de la fausse sagesse
Que les Syracusains cherchèrent dans la Grèce !
Ils en ont rapporté le mépris de mes lois,
Celui de la mort même, et la haine des rois.
Je n’ai donc plus d’enfants ! Ma vieillesse accablée
Va descendre au tombeau sans être consolée :
Ma gloire, ce fantôme inutile au bonheur,
Illustrant ma disgrâce, en augmente l’horreur.
Que me fait cette gloire et ma grandeur suprême ?
Je suis privé de tout, et réduit à moi-même.
Dans les jours malheureux qui peuvent me rester,
Je lis un avenir qui doit m’épouvanter.
C’est à moi de mourir ; mais au moins je me flatte
Que tous les assassins de mon fils Polycrate
Subiront avec moi le plus juste trépas.
(A un garde.)
Vous, veillez sur Argide, et marchez sur ses pas.
(A un autre.)
Vous, répondez d’Ydace, et surtout de son père.
(A un autre.)
Que l’on cherche Elpénor. Un conseil salutaire
De son expérience est toujours l’heureux fruit ;
Ses yeux m’éclaireront dans cette affreuse nuit.
(À un officier.)
Soutenez-moi ; mon âme, en ses transports funestes,
De ma force épuisée a consumé les restes ;
Je ne me connais plus… Dieu des rois et des dieux
Dieu qu’annonçait Platon chez nos grossiers aïeux,
Je t’invoque à la fin, soit raison, soit faiblesse.
Si tu règnes sur nous, si ta haute sagesse