Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ne peut précipiter ma mort que d’un moment.
Je vous quitte attendri ; pardonnez à mes larmes.

LA PRÊTRESSE.

On ne les permet point : ces délateurs en armes
Vont à notre tyran rapporter nos discours.

YDASAN.

Je le sais ; c’est l’usage établi dans les cours.
Grands dieux ! je vois paraître Argide avec Ydace !


Scène II.



YDASAN, LA PRÊTRESSE, ARGIDE, YDACE ; GARDES et ASSISTANTS, dans le fond.


ARGIDE.

On le permet ; je viens chercher ici ma grâce.

YDASAN.

Seigneur, que dites-vous ?

ARGIDE.

Contre son ravisseur
J’ai défendu ta fille, et vengé son honneur ;
J’ai fait plus : je l’aimais, et, m’immolant pour elle,
Je m’imposais moi-même une absence éternelle.
Je te demande ici le prix de la vertu
Pour qui je vais mourir, pour qui j’ai combattu.
J’étouffais mon amour, et je n’ai pu prétendre
(Malheureux d’être prince) à devenir ton gendre :
Mais enfin de ce nom je suis trop honoré ;
Je veux dans mon tombeau porter ce nom sacré…
Ydace, en nous aimant expirons l’un et l’autre.
Que ma mourante main puisse presser la vôtre[1] ;
Que mes yeux soient encore attachés sur vos yeux ;
Que la divinité qui nourrit nos aïeux
Préside avec l’hymen à notre heure fatale !
(A la prêtresse.)
O prêtresse ! allumez la torche nuptiale…

  1. Imitation de ces vers de Tibulle (livre Ier, élégie Ire) :
    Te spectum suprema mihi cum venorit hora;
    Te teneam moriens déficiente manu.
    Une autre imitation fait partie des stances à Mme Lullin, 1773. (D.)