Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/437

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(A Ydasan.)
Embrassons-nous, mon père, à nos derniers moments.
Ydace, chère Ydace, acceptez mes serments ;
Ils sont purs comme vous : nos âmes rassemblées
Au ciel qui les forma vont être rappelées ;
Conserve, s’il se peut, équitable avenir,
De l’amour le plus saint l’éternel souvenir !

YDACE, à Ydasan.

Les sentiments d’Argide ont passé dans mon âme ;
Son courage m’élève, et sa vertu m’enflamme.
Le nom de son épouse est un titre trop beau
Pour que vous refusiez d’en orner mon tombeau.
Non, Argide, avec vous la mort n’est point cruelle :
La vie est passagère, et la gloire immortelle.

YDASAN.

Ah, mon prince ! ah, ma fille !

LA PRÊTRESSE.

Infortunés époux !
Couple digne du ciel ! il est ouvert pour vous ;
Il voit un grand spectacle, et digne qu’on l’envie,
La vertu qui combat contre la tyrannie[1].

YDASAN.

Chère fille ! grand prince ! en quel horrible jour,
En quels horribles lieux me parlez-vous d’amour !
Eh bien ! je vous unis ; eh bien ! dieux que j’atteste,
Dieux des infortunés, formez ce nœud funeste ;
Et, pour le célébrer, renversez nos tyrans
Dans l’abîme où la foudre a plongé les Titans !
Que le feu de l’Etna dans ses gouffres s’allume !
Que le barbare y tombe, y vive, et s’y consume !
Que son juste supplice, à jamais renaissant,
Soit l’éternel vengeur de mon sang innocent,
Et tombent la Sicile et Syracuse en poudre,
Si l’oppresseur du peuple échappait à la foudre !
Voilà mes vœux pour vous, chers et tendres amants,
Et nos chants de l’hymen, et mes derniers serments.

LA PRÊTRESSE.

Notre heure est arrivée : Agathocle s’avance,
Il ajoute à la mort l’horreur de sa présence.

  1. « Ecce spectaculul dignum ad quod respiciat intentus operi suo Deus : ecce par Deo dignum, vir fortis cum mala fortuna compositus. » (Senec, de Providentia. c. II.)