4i0 JULES CÉSAR.
MAUULLUS.
Mais, dis-moi, quel est ton métier ? te dis-jc ; réponds positivement.
LE SAVETIER.
Mon métier, monsieur ? Mais j’espère que je peux l’exercer on bonne conscience. Mon métier est, monsieur, raccommodeur dûmes’.
MARULLUS.
Quel métier, faquin, quel métier, te dis-je, vilain salope ?
LE SAVETIER.
Eh ! monsieur ! ne vous mettez pas hors de vous ; je pourrais vous raccommoder,
FLAVIUS.
Qu’appelles-tu : me raccommoder ? Que veux-tu dire par là ?
LE SAVETIER.
Eh, mais ! vous ressemeler.
FLAVIUS.
Ah ! tu es donc en efTet savetier ? L’es-tu ? parle.
LE SAVETIER.
II est vrai, monsieur, je vis de mon alêne ; je ne me mêle point des affaires des autres marchands, ni de celles des femmes ; je suis un chirurgien de vieux souliers ; lorsqu’ils sont en grand danger, je les rétablis.
FLAVIUS.
Mais pourquoi n’es-tu pas dans ta boutique ? Pourquoi es-tu avec tant de monde dans les rues ?
LE SAVETIER.
Eh ! monsieur, c’est pour user leurs souliers, afin que j’aie plus d’ouvrage. Mais la vérité, monsieur, est que nous nous faisons une fête de voir passer César, et que nous nous réjouissons de son triomphe.
MARULLUS. (Il parle on vers blancs.)
Pourquoi vous réjouir ? quelles sont ses conquêtes ? Quels rois par lui vaincus, enchaînés à son char. Apportent des tributs aux souverains du monde ?
1. II prononce ici le mot de semelle comme on prononce celui rVûme en anglais.
Il faut savoir que Shakespeare avait ou peu d’éducation, qu’il avait le malheur d’être réduit à être comédien, qu’il fallait plaire au peuple ; que le peuple, plus riche en Angleterre qu’ailleurs, frcquentc les spectacles, et que Shakespeare le servait selon son goût. {Note de Voltaire.)