Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/190

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Partout il nous instruit, partout il parle à nous ;
Il grave en tous les cœurs la loi de la nature,
Seule à jamais la même, et seule toujours pure.
Sur cette loi, sans doute, il juge les païens,
Et si leur cœur fut juste, ils ont été chrétiens.
Tandis que du héros la raison confondue
Portait sur ce mystère une indiscrète vue,
Au pied du trône même une voix s’entendit ;
Le ciel s’en ébranla, l’univers en frémit ;
Ses accents ressemblaient à ceux de ce tonnerre
Quand du mont Sinaï Dieu parlait à la terre.
Le cœur des immortels se tut pour l’écouter,
Et chaque astre en son cours alla le répéter.
« À ta faible raison garde-toi de te rendre :
Dieu t’a fait pour l’aimer, et non pour le comprendre.
Invisible à tes yeux, qu’il règne dans ton cœur ;
Il confond l’injustice, il pardonne à l’erreur ;
Mais il punit aussi toute erreur volontaire :
Mortel, ouvre les yeux quand son soleil t’éclaire. »
Henri dans ce moment, d’un vol précipité,
Est par un tourbillon dans l’espace emporté
Vers un séjour informe, aride, affreux, sauvage,
De l’antique chaos abominable image,
Impénétrable aux traits de ces soleils brillants,
Chefs-d’œuvre du Très Haut, comme lui bienfaisants.
Sur cette terre horrible, et des anges haïe,
Dieu n’a point répandu le germe de la vie.
La Mort, l’affreuse Mort, et la Confusion,
Y semblent établir leur domination.
« Quelles clameurs, ô Dieu ! quels cris épouvantables[1] !
Quels torrents de fumée ! et quels feux effroyables !
Quels monstres, dit Bourbon, volent dans ces climats !
Quels gouffres enflammés s’entr’ouvrent sous mes pas !
Ô mon fils ! vous voyez les portes de l’abîme
Creusé par la Justice, habité par le Crime :

  1. Imitation de Viigile (Æn., VI, 560-61) :
    Quæ scelerum faciès ? o virgo, effare ; quibusve
    Urgentur pœnis? qui tantus plangor ad auras?