Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/235

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Du Tage à l’Éridan le bruit en fut porté,
Le Vatican superbe en fut épouvanté.
Le Nord à cette voix tressaillit d’allégresse ;
Madrid frémit d’effroi, de honte, et de tristesse.
Ô malheureux Paris ! infidèles ligueurs !
Ô citoyens trompés ! et vous, prêtres trompeurs !
De quels cris douloureux vos temples retentirent !
De cendre en ce moment vos têtes se couvrirent.
Hélas ! Mayenne encor vient flatter vos esprits,
Vaincu, mais plein d’espoir, et maître de Paris,
Sa politique habile, au fond de sa retraite,
Aux ligueurs incertains déguisait sa défaite.
Contre un coup si funeste il veut les rassurer ;
En cachant sa disgrâce, il croit la réparer.
Par cent bruits mensongers il ranimait leur zèle :
Mais, malgré tant de soins, la vérité cruelle,
Démentant à ses yeux ses discours imposteurs,
Volait de bouche en bouche, et glaçait tous les cœurs.
La Discorde en frémit, et redoublant sa rage :
« Non, je ne verrai point détruire mon ouvrage,
Dit-elle, et n’aurai point, dans ces murs malheureux,
Versé tant de poisons, allumé tant de feux,
De tant de flots de sang cimenté ma puissance,
Pour laisser à Bourbon l’empire de la France.
Tout terrible qu’il est, j’ai l’art de l’affaiblir ;
Si je n’ai pu le vaincre, on le peut amollir.
N’opposons plus d’efforts à sa valeur suprême :
Henri n’aura jamais de vainqueur que lui-même.
C’est son cœur qu’il doit craindre, et je veux aujourd’hui
L’attaquer, le combattre, et le vaincre par lui. »
Elle dit ; et soudain, des rives de la Seine,
Sur un char teint de sang, attelé par la Haine,
Dans un nuage épais qui fait pâlir le jour,
Elle part, elle vole, et va trouver l’Amour.