Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/251

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Cache aux vents amoureux les trésors de son sein,
Et s’ouvre aux doux rayons d’un jour pur et serein.
L’Amour, qui cependant s’apprête à la surprendre,
Sous un nom supposé vient près d’elle se rendre :
Il paraît sans flambeau, sans flèches, sans carquois ;
Il prend d’un simple enfant la figure et la voix.
« On a vu, lui dit-il, sur la rive prochaine,
S’avancer vers ces lieux le vainqueur de Mayenne. »
Il glissait dans son cœur, en lui disant ces mots,
Un désir inconnu de plaire à ce héros.
Son teint fut animé d’une grâce nouvelle.
L’Amour s’applaudissait en la voyant si belle :
Que n’espérait-il point, aidé de tant d’appas !
Au-devant du monarque il conduisit ses pas.
L’art simple dont lui-même a formé sa parure
Paraît aux yeux séduits l’effet de la nature :
L’or de ses blonds cheveux, qui flotte au gré des vents,
Tantôt couvre sa gorge et ses trésors naissants,
Tantôt expose aux yeux leur charme inexprimable.
Sa modestie encor la rendait plus aimable :
Non pas cette farouche et triste austérité
Qui fait fuir les Amours, et même la beauté ;
Mais cette pudeur douce, innocente, enfantine,
Qui colore le front d’une rougeur divine,
Inspire le respect, enflamme les désirs,
Et de qui la peut vaincre augmente les plaisirs[1].
Il fait plus (à l’Amour tout miracle est possible)[2] ;

  1. « Malgré tous les charmes que lui procure la plume élégante et voluptueuse de Voltaire, cette blonde et grasse beauté me laisse froid, » dit M. Bancel. Et il a raison. Mieux vaut la chanson du Béarnais, laquelle a servi de modèle à Voltaire :

    Elle est blonde
    Sans seconde;
    Elle a la taille à la main.
    Sa prunelle
    Étincelle
    Comme l'astre du matin.
    De rosée
    Arrosée, :La rose a moins de fraîcheur;
    Une hermine
    Est moins fine,
    Le lis a moins de blancheur. (G. A.)
  2. Cette fiction est, pour le fond et pour quelques détails, imitée de la Jérusalem délivrée, chant XV.