Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/253

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Ne marchant plus sous lui, semblaient déjà vaincus.
Mais le génie heureux qui préside à la France
Ne souffrit pas longtemps sa dangereuse absence :
Il descendit des cieux à la voix de Louis,
Et vint d’un vol rapide au secours de son fils.
Quand il fut descendu vers ce triste hémisphère,
Pour y trouver un sage il regarda la terre.
Il ne le chercha point dans ces lieux révérés,
À l’étude, au silence, au jeûne consacrés ;
Il alla dans Ivry : là, parmi la licence
Où du soldat vainqueur s’emporte l’insolence,
L’ange heureux des Français fixa son vol divin
Au milieu des drapeaux des enfants de Calvin :
Il s’adresse à Mornay. C’était pour nous instruire
Que souvent la raison suffit à nous conduire,
Ainsi qu’elle guida, chez des peuples païens,
Marc-Aurèle, ou Platon, la honte des chrétiens.
Non moins prudent ami que philosophe austère,
Mornay sut l’art discret de reprendre et de plaire :
Son exemple instruisait bien mieux que ses discours :
Les solides vertus furent ses seuls amours.
Avide de travaux, insensible aux délices,
Il marchait d’un pas ferme au bord des précipices.
Jamais l’air de la cour, et son souffle infecté,
N’altéra de son cœur l’austère pureté.
Belle Aréthuse, ainsi ton onde fortunée
Roule, au sein furieux d’Amphitrite étonnée,
Un cristal toujours pur, et des flots toujours clairs,
Que jamais ne corrompt l’amertume des mers.
Le généreux Mornay, conduit par la Sagesse[1],

  1. Laharpe, dans son Lycée, ou Cours de littérature, troisième partie, xviii e siècle, livre Ier, chapitre i er, section 2, a remarqué que cette comparaison avait été employée, mais mal employée, par Malherbe dans son Ode au duc de Bellegarde. Avant Malherbe, saint Grégoire de Nazianze, en parlant de ses relations avec saint Basile, avait dit : « Nous coulions des jours purs et tranquilles, comme cette source qui passe, et conserve la douceur de ses eaux à travers les flots amers de Sicile. » Voyez aussi le Traité des études, par Rollin, liv. II, chap. i er, art. 3.