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DE FRANCE.

Peu de temps après, le roi fut attaqué d’une étrange maladie qui l’emporta au bout de deux ans. Son sang coulait toujours, et perçait au travers des pores de sa peau : maladie incompréhensible, contre laquelle échoua l’art et l’habileté des médecins, et qui fut regardée comme un effet de la vengeance divine.

Durant la maladie de Charles, son frère, le duc d’Anjou, avait été élu roi de Pologne : il devait son élévation à la réputation qu’il avait acquise étant général, et qu’il perdit en montant sur le trône.

Dès qu’il apprit la mort de son frère, il s’enfuit de Pologne, et se hâta de venir en France se mettre en possession du périlleux héritage d’un royaume déchiré par des factions fatales à ses souverains, et inondé du sang de ses habitants. Il ne trouva en arrivant que partis et troubles, qui augmentèrent à l’infini.

Henri, alors roi de Navarre, se mit à la tête des protestants, et donna une nouvelle vie à ce parti. D’un autre côté, le jeune duc de Guise commençait à frapper les yeux de tout le monde par ses grandes et dangereuses qualités. Il avait un génie encore plus entreprenant que son père ; il semblait d’ailleurs avoir une heureuse occasion d’atteindre à ce faîte de grandeurs dont son père lui avait frayé le chemin.

Le duc d’Anjou, alors Henri III, était regardé comme incapable d’avoir des enfants, à cause de ses infirmités, qui étaient les suites des débauches de sa jeunesse. Le duc d’Alençon, qui avait pris le nom de duc d’Anjou, était mort en 1584, et Henri de Navarre était légitime héritier de la couronne. Guise essaya de se l’assurer à lui-même, du moins après la mort de Henri III, et de l’enlever à la maison des Capets, comme les Capets l’avaient usurpée sur la maison de Charlemagne, et comme le père de Charlemagne l’avait ravie à son légitime souverain.

Jamais si hardi projet ne parut si bien et si heureusement concerté, Henri de Navarre et toute la maison de Bourbon était protestante. Guise commença à se concilier la bienveillance de la nation, en affectant un grand zèle pour la religion catholique : sa libéralité lui gagna le peuple ; il avait tout le clergé à sa dévotion, des amis dans le parlement, des espions à la cour, des serviteurs dans tout le royaume. Sa première démarche politique fut une association sous le nom de sainte Ligue contre les protestants pour la sûreté de la religion catholique.

La moitié du royaume entra avec empressement dans cette nouvelle confédération. Le pape Sixte-Quint donna sa bénédiction à la Ligue, et la protégea comme une nouvelle milice romaine. Philippe II, roi d’Espagne, selon la politique des souverains qui