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PROCÈS CRIMINEL DE RAVAILLAC.

Enquis si dès lors qu’il fit ses voyages pour parler au roi et lui conseiller de faire la guerre à ceux de la Religion prétendue réformée, il avait projeté, au cas que Sa Majesté ne voulût accorder ce dont l’accusé la suppliait, de faire le malheureux acte qu’il a commis ;

A dit que non, et que s’il l’avait projeté, s’en était désisté, et avait cru qu’il était expédient de lui faire cette remontrance plutôt que de le tuer.

Remontré qu’il n’avait point changé sa mauvaise intention, parce que depuis le dernier voyage qu’il a fait à Angoulême le jour de Pâques, il n’a cherché les moyens de parler au roi. ce qui démontre assez qu’il était parti en cette résolution de faire ce qu’il a fait ;

A dit qu’il est véritable.

Enquis si le jour de Pâques et de son départ il fit la sainte communion ;

A dit que non, et l’avait faite le premier dimanche de carême ; mais néanmoins qu’il fit célébrer le sacrifice de la sainte messe en l’église Saint-Paul d’Angoulême, sa paroisse, comme se reconnaissant indigne d’approcher de ce très-saint et très-auguste sacrement, plein de mystère et d’incompréhensible vertu, parce qu’il se sentait encore vexé de cette tentation de tuer le roi, et en tel état ne voulait s’approcher du précieux corps de son Dieu.

Enquis s’il ne les a pas fait venir (les démons) dans la chambre où était couché ledit Dubois ;

A dit que non ; qu’il est bien vrai que lui accusé, étant couché dans un grenier au-dessus de la chambre dudit Dubois, dans lequel grenier étaient aussi couchées d’autres personnes, il entendit à l’heure de minuit ledit Dubois qui le priait de descendre dans sa chambre, s’exclamant avec grands cris : « Ravaillac, mon ami, descends en bas, je suis mort ; mon Dieu, ayez pitié de moi ! » Alors l’accusé voulut descendre ; mais il en fut empêché par ceux qui étaient avec lui, pour la crainte qu’ils avaient ; de sorte qu’il ne descendit point, et le lendemain il demanda audit Dubois qui l’avait mû de crier ainsi ; à quoi il lui fit réponse qu’il avait vu dans sa chambre un chien noir d’une excessive grosseur et fort effroyable, lequel s’était mis les deux pieds de devant sur son lit ; de quoi il avait eu telle peur qu’il en avait pensé mourir, et avait appelé l’accusé à son secours ; à quoi l’accusé fit réponse que, pour renverser ces horribles visions, il devait avoir recours à la célébration du Saint Sacrement de l’autel ; et furent à cet effet au couvent des cordeliers faire dire la messe, pour attirer la grâce de Dieu et le préserver des visions de Satan, ennemi commun des hommes.

Remontré qu’il y a apparence que c’était lui qui avait fait paraître ce chien ;