Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/35

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l'KKKACE DE M. DH ArARMOXTK L. hl

« Amitio, don du ciel, plaisir des grandes âmes, Amitié, que les rois, ces illustres ingrats, Sont assez nuiUieureux pour ne connaître pas. »

Ainsi pensait ce i,'ran(l prince avant ((ue de monter sur le liùne. Il ne pouvait alors instruire les rois (|ue par des maximes : aujourd'hui il les instruit par des exemples.

La lleiiriade a été traduite en plusieurs lani,aies, en vers anj^lais i)ar M. Lockuian; une partie l'a été en vers italiens par 31. Quirini, noble véni- tien, et une autre en vers latins i)ar le cardinal de ce nom, bibliothécaire (lu Vatican, si connu par sa grande littérature, ('e sont ces deux hommes célèbres ([ui ont traduit le poëme de Fonloioij. MM. Orlolani et Nenci ont aussi traduit plusieurs chants de la llenriade. Elle l'a été entièrement en vers hollandais et allemands, et en vers latins par M. Caux de Gappeval '.

Cette justice, rendue par tant d'étrangers contemporains, sennble suppléer à ce (|ui man([ue d'ancienneté à ce poëme; et puiscju'il a été généralement approuvé dans un siècle qu'on peut appeler celui du goiit, il y a apparence qu'il le sera des siècles à venir. On pourrait donc, sans être téméraire, le placer ii côté do ceux qui ont le sceau de l'immortalité. C'est ce ({U(> semble avoir fait 31. Cocchi, lecteur de Pise, dans une lettre- imprimée à la tète de quelques éditions de la llenriade, où il parle du sujet," du plan, des mœurs, des caractères, du merveilleux, et des principales beautés de ce poëme. en homme de goiit et de beaucoup» de littérature; bien différent d'un Français, auteur de feuilles périodiques, (jui, plus jaloux qu'éclairé, l'a com- paré à la Pliarsale. Une telle comparaison suppose dans son auteur ou bien peu de lumières, ou bien peu d'équité : car en quoi se ressemblent ces deux poëmcs ? Le sujet de l'un et de l'autre est une guerre civile; mais, dans la Pharsale, « l'audace est ti-iomphante et le crime adoré t» : dans la Henriade, au contraire, tout l'avantage est du côté de la justice. Lucain a suivi scrupuleusement l'histoire sans mélange de fiction, au lieu (jue y\. de Voltaire a changé l'ordre des temps, transporté les faits, et emplo\ s^ le merveilleux. Le style du premier est souvent ampoulé, défaut dont on ni; voit pas un seul exemple dans le second. Lucain a peint ses héros avec de grands traits, il est vrai, et il a des coups de pinceau dont on trouve peu d'exemples dans Virgile et dans Homère. C'est peut-être en cela que lui res- semble notre poète : on convient assez que personne n'a mieux connu que lui l'art de marquer les caractères : un vers lui suffit quelquefois pour cela, témoin les suivants :

Mcdicis la 3 reçut avec indifférence.

Sans paraître jouir du fruit de sa vengeance,

Sans remords, sans plaisir, etc. ,

��1. Bouchot cite d'autres traductions dans l'Avertissement ci-deasus.

2. Voyez la traduction de cette lettre, page 29.

3. La tète do Coligny, chant IL

8. — La Henriade.

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