Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/590

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par des pointes et des jeux de mots dont ils rougissent eux-mêmes le moment d’après. Je cherchais le fameux comte de Bussy. Mme  de Sévigné, qui est aimée de tous ceux qui habitent le temple, me dit que son cher cousin, homme de beaucoup d’esprit, un peu trop vain, n’avait jamais pu réussir à donner au dieu du Goût cet excès de bonne opinion que le comte de Bussy avait de messire Roger de Rabutin.

Bussy, qui s’estime et qui s’aime
Jusqu’au point d’en être ennuyeux,
Est censuré dans ces beaux lieux
Pour avoir, d’un ton glorieux,
Parlé trop souvent de lui-même 1.
Mais son fils, son aimable fils,
Dans le temple est toujours admis,
Lui qui, sans flatter, sans médire,
Toujours d’un aimable entretien,
Sans le croire, parle aussi bien
Que son père croyait écrire.
Je vis arriver en ce lieu
Le brillant abbé de Chaulieu,
Qui chantait en sortant de table.
Il osait caresser le dieu
D’un air familier, mais aimable.
Sa vive imagination
Prodiguait, dans sa douce ivresse,
Des beautés sans correction 2,

plus judicieux homme de notre siècle, au père de la Lionne et de la Pucelle que j’écris, les cheveux me dressent si fort à la tête qu’il semble d’un hérisson. »

Souvent rien n’est si plat que sa poésie.

Nous trouvâmes près Scrcotto,
Cas étrange, et vrai pourtant.
Des bœufs qu’on voyait broutant
Dessus le haut d’une motte ;
Et plus bas quelques cochons,
Et bon nombre de moutons.

Cependant Voiture a été admiré, parce qu’il est venu dans un temps où l’on commençait à sortir de la barbarie, et où l’on courait après l’esprit sans le connaître. Il est vrai que Despréaux l’a comparé à Horace; mais Despréaux était jeune alors. Il payait volontiers ce tribut à la réputation de Voiture, pour attaquer celle de Chapelain, qui passait alors pour le plus grand génie de l’Europe (note de Voltaire, 1733), et Despréaux a rétracté depuis ces éloges. (W., 1752.)

1. Il écrivit au roi : « Sire, un homme comme moi, qui a de la naissance, de l’esprit, et du courage... J’ai de la naissance, et l’on dit que j’ai de l’esprit pour faire estimer ce que je dis. » {Id., 17.’{3.)

2. L’abbé de Cliaulieu, dans une é])ître au marquis de La Farc, connue dans le public sous lo titre du Déiste, dit :

J’ai vu de près le Styx, j’ai vu les Euménides;