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CHANT VII





Argument.- Comment Dunois sauva Dorothée, condamnée à la mort par l’inquisition.




Lorsque autrefois, au printemps de mes jours,
Je fus quitté par ma belle maîtresse,
Mon tendre cœur fut navré de tristesse[1],
Et je pensai renoncer aux amours :
Mais d’offenser par le moindre discours
Cette beauté que j’avais encensée,
De son bonheur oser troubler le cours,
Un tel forfait n’entra dans ma pensée.
Gêner un cœur, ce n’est pas ma façon.
Que si je traite ainsi les infidèles,
Vous comprenez, à plus forte raison,
Que je respecte encor plus les cruelles.
Il est affreux d’aller persécuter

  1. Je crois qu'il ne faut pas trop prendre à la lettre ce que Voltaire dit ici de sa tristesse. « Je sais, écrivait-il au duc de Sully, en lui parlant de Génonville, son ami et son rival :
    « Je sais que, par déloyauté.
    Le fripon naguère a tâté
    De la maîtresse tant jolie
    Dont j'étais si fort entêté.
    Il rit de cette perfidie,
    Et j'aurais pu m'en courroucer;
    Mais je sais qu'il faut se passer
    Des bagatelles dans la vie. »

    Des regrets d'amour pouvaient être exprimés en des termes plus persuasifs. Cette maîtresse tant jolie se nommait Suzanne-Catherine Gravet de Livry. Née en 1694, la même année que Voltaire, elle mourut comme lui en 1778, le 28 octobre. Elle était alors veuve de Charles-Frédéric de La Tour du Pin de Hourlon, marquis de Gouvernet, qu'elle avait épousé en 1720. Son mariage et les événements qui le préparèrent ont fourni à Voltaire quelques-unes des plus jolies scènes de l’Écossaise. C'est à Mlle de Livry, alors marquise de Gouvernet, qu'il adressa la charmante épître des Tu et des Vous. (R.)