Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/152

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A mon bon roi je vais donner ma vie ;
Le temps me presse, et mon âne m’attend.



— Sur mon cheval je vous suis à l’instant,
Lui répliqua l’aimable La Trimouille.
La belle dit : " C’est aussi mon projet ;
Un désir vif dès longtemps me chatouille
De contempler la cour de Charles sept,
Sa cour si belle, en héros si féconde,
Sa tendre Agnès, qui gouverne son cœur,
Sa fière Jeanne, en qui valeur abonde.
Mon cher amant, mon cher libérateur,
Me conduiraient jusques au bout du monde.
Mais sur le point d’être cuite en ce lieu,
En récitant ma prière secrète,
Je fis tout bas à la Vierge un beau vœu
De visiter sa maison de Lorette,
S’il lui plaisait de me tirer du feu.
Tout aussitôt la mère du bon Dieu
Vous députa sur votre âne céleste ;
Vous me sauvez de ce bûcher funeste,
Je vis par vous : mon vœu doit se tenir,
Sans quoi la Vierge a droit de me punir.



— Votre discours est très-juste et très-sage,
Dit La Trimouille ; et ce pèlerinage
Est à mes yeux un devoir bien sacré ;
Vous permettrez que je sois du voyage.
J’aime Lorette, et je vous conduirai.
Allez, Dunois, par la plaine étoilée,
Fendez les airs, volez aux champs de Blois ;
Nous vous joindrons avant qu’il soit un mois.
Et vous, madame, à Lorette appelée,
Venez remplir votre vœu si pieux ;
Moi j’en fais un digne de vos beaux yeux :
C’est de prouver à toute heure, en tous lieux,
A tout venant, par l’épée et la lance,
Que vous devez avoir la préférence
Sur toute fille ou femme de renom ;
Que nulle n’est et si sage et si belle. "
Elle rougit. Cependant le grison
Frappe du pied, s’élève sur son aile,
Plane dans l’air, et, laissant l’horizon,
Porte Dunois vers les sources du Rhône.