Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/156

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Je n’aime point qu’un cheval ait la gloire
De partager ma peine et ma victoire.
Point de cuirasse, et point de morion ;
C’est, à mon sens, une arme de poltron ;
Il fait trop chaud, j’aime à combattre à l’aise.
Je veux tout nu vous soutenir ma thèse :
Nos deux beautés jugeront mieux des coup.



— Très-volontiers, " dit d’un ton noble et doux
Le beau Français. Sa chère Dorothée
Frémit de crainte à ce défi cruel,
Quoique en secret son âme fût flattée
D’être l’objet d’un si noble duel.
Elle tremblait que Christophe Arondel
Ne transperçât de quelque coup mortel
La douce peau de son cher La Trimouille,
Que de ses pleurs tendrement elle mouille.
La dame anglaise animait son Anglais
D’un coup d’œil fier et sûr de ses attraits.
Elle n’avait jamais versé de larmes ;
Son cœur altier se plaisait aux alarmes ;
Et les combats des coqs de son pays
Avaient été ses passe-temps chéris.
Son nom était Judith de Rosamore,
Cher à Bristol, et que Cambridge honore[1].



Voilà déjà nos braves paladins
Dans un champ clos, près d’en venir aux mains :
Tous deux charmés, dans leurs nobles querelle
De soutenir leur patrie et leurs belles.
La tête haute, et le fer de droit fil,
Le bras tendu, le corps en son profil,
En tierce, en quarte, ils joignent leurs épées,
L’une par l’autre à tout moment frappées.
C’est un plaisir de les voir se baisser,
Se relever, reculer, avancer,
Parer, sauter, se ménager des feintes,
Et se porter les plus rudes atteintes.
Ainsi l’on voit dans une belle nuit,
Sous le lion ou sous la canicule,
Tout l’horizon qui s’enflamme et qui brûle

  1. Bristol et Cambridge, deux villes célèbres, la première par son commerce, la seconde par son université, qui a eu de grands hommes. (Note de Voltaire, 1762.)