Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/203

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Alla grossir la cohorte infernale[1].



Tandis qu’ainsi ce monstre impénitent
Allait rôtir aux brasiers de Satan,
Le bon roi Charle, accablé de tristesse,
Allait cherchant son errante maîtresse,
Se promenant, pour calmer sa douleur,
Devers la Loire avec son confesseur.
Il faut ici, lecteur, que je remarque
En peu de mots ce que c’est qu’un docteur
Qu’en sa jeunesse un amoureux monarque
Par étiquette a pris pour directeur.
C’est un mortel tout pétri d’indulgence,
Qui doucement fait pencher dans ses mains
Du bien, du mal, la trompeuse balance ;
Vous mène au ciel par d’aimables chemins,
Et fait pécher son maître en conscience :
Son ton, ses yeux, son geste composant,
Observant tout, flattant avec adresse
Le favori, le maître, la maîtresse ;
Toujours accort, et toujours complaisant.



Le confesseur du monarque gallique
Était un fils du bon saint Dominique ;
Il s’appelait le père Bonifoux,
Homme de bien, se faisant tout à tous,
Il lui disait d’un ton dévot et doux :
" Que je vous plains ! la partie animale
Prend le dessus : la chose est bien fatale.
Aimer Agnès est un péché vraiment ;
Mais ce péché se pardonne aisément :
Au temps jadis il était fort en vogue
Chez les Hébreux, enfants du Décalogue.
Cet Abraham, ce père des croyants,
Avec Agar s’avisa d’être père ;
Car sa servante avait des yeux charmants,
Qui de Sara méritaient la colère.
Jacob le juste épousa les deux sœurs.
Tout patriarche a connu les douceurs

  1. L'équité demande que nous fassions ici une remarque sur la morale admirable de ce poëme. Le vice y est toujours puni : l'aumônier scandaleux meurt
    impénitent, Grisbourdon est damné, Chandos est vaincu et tué, etc. C'est ce que le sage Horatius Flaccus recommande In arte poetica. (Note de Voltaire, 1762.)