Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/207

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Et le fer suit moins sympathiquement
Le tourbillon qui l’unit à l’aimant.
Le beau Monrose en arrivant se jette
A deux genoux au bord de la couchette,
Où sa maîtresse avait entre deux draps,
Pour sommeiller, arrangé ses appas.
De dire un mot aucun d’eux n’eut la force
Ni le loisir ; le feu prit à l’amorce
En un clin d’œil ; un baiser amoureux
Unit soudain leurs bouches demi-closes ;
Leur âme vint sur leurs lèvres de rose ;
Un tendre feu sortit de leurs beaux yeux ;
Dans leurs baisers leurs langues se cherchèrent.
Qu’éloquemment alors elles parlèrent !
Discours muets, langage des désirs,
Charmant prélude, organe des plaisirs,
Pour un moment il vous fallut suspendre
Ce doux concert, et ce duo si tendre.



Agnès aida Monrose impatient
A dépouiller, à jeter promptement
De ses habits l’incommode parure,
Déguisement qui pèse à la nature,
Dans l’âge d’or aux mortels inconnu,
Que hait surtout un dieu qui va tout nu.



Dieux ! quels objets ! Est-ce Flore et Zéphyre ?
Est-ce Psyché qui caresse l’Amour ?
Est-ce Vénus que le fils de Cynire[1]
Tient dans ses bras loin des rayons du jour,
Tandis que Mars est jaloux et soupire ?



Le Mars français, Charle, au fond du château,
Soupire alors avec l’ami Bonneau,
Mange à regret et boit avec tristesse.
Un vieux valet, bavard de son métier,
Pour égayer sa taciturne altesse[2],
Apprit au roi, sans se faire prier,
Que deux beautés, l’une robuste et fière,

  1. Adonis. (Note de Voltaire, 1762.)
  2. On traitait les rois d'altesse alors. {Id., 1762.) — «Louis XI fut le premier en France qu'on appela communément Majesté... Mais on se servait du terme d'Altesse avec les rois de France longtemps après lui; et on voit encore des lettres à Henri III, dans lesquelles on lui donne ce titre. » Voyez Dictionnaire philosophique, article Cérémonies. (R.)