Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/236

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tm CHANT XIV. [m]

Tous deux en garde, en la même posture,

' Le bras tondu, le corps en son proiil,

  • La tùte haute, et le fer de droit lil'.

En quarte, en tierce, ils latent leur peau dure.

Alais aussitôt, sans règle ni mesure,

Plus acharnés, plus fiers, plus en courroux,

Du fer tranchant ils portent de grands coups.

  • Au mont Etna, dans leur forge brûlante,

'Du noir cocu les borgnes compagnons 'Font retentir l'enclume étincelantc 'Sous des marteaux moins redoubles, moins prompts^ 'En préparant au maître du tonnerre 'Le gros canon dont se moque la terre 2.

Des deux côtés le sang est répandu Du bras, du col, et du crâne fendu, Malgré l'acier de leur brillante armure, Sans qu'un seul cri succède h la blessure.

La bonne mère en gémit do douleur. Dit son Pater, demande un confesseur; Et cependant sa fille avec langueur, Se rengorgeant, rajuste sa coiffure. ,— Nos deux Anglais, lassés, sanglants, rendus, Gisaient tous deux sur la terre étendus. Quand aiTÎva notre bon roi de France, Et ces héros, brillants porteurs de lance. Et ces beautés qui formaient une cour Digne de Mars et du dieu de l'amour.

La belle sotte au-devant d'eux s'avance. Fait gauchement une Immble révérence. Nonchalamment leur donne le bonjour. Et les voit tous avec indifférence. Qui l'aurait cru, que la nature mît Tant de poison dans des yeux sans esprit I Des beaux Français les tètes détraquées '

Sont par la belle à peine remarquées. Les dons du ciel versés bénignement Sont des mortels reçus différemment; Tout se façonne à notre caractère ; Diversement sur nous la grâce opère; Le même suc, dont la terre nourrit Des fruits divers les semences écloses. Fait des œillets, des chardons, et des roses. D'Argens soupire alors que Dargct rit; Et Maupertuis débite des fadaises. Comme Newton ses doctes hypothèses; Et certain roi fait servir ses soldats A ses amours ainsi qu'à ses combats 3.

1. Voyez chant VIII, vers 308-309, et les variantes du chant XI, vers 110. (R.)

2. Ces vers se retrouvent, à quelques mots près, au chant XI, vers 188-193 (R.)

3. Ces cinq vers ne sont pas de M. de Voltaire, mais bien des éditeurs, qui savaient les querelles qu'il avait eues récemment à Berlin, et qui le faisaient parler comme ils auraient parlé eux-mêmes dans des circonstances semblables. (K.) — N'en déplaise aux éditeurs de Kehl, CCS vers, qu'ils avaient mis en variantes, me semblent être incontestablement de Voltaire, aussi les ai-je reportés dans le texte, où ils sont indispensables pour la rime. ( R.)

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