Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/338

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Cette passade, innocente et légère,
Ne trahit point de fidèles amours.



C’est dans l’histoire une chose avérée
Que ce héros, ce sublime Dunois
Était blessé d’une flèche dorée,
Qu’Amour tira de son premier carquois.
Il commanda toujours à sa tendresse ;
Son cœur altier n’admit point de faiblesse ;
Il aimait trop et l’État et le roi ;
Leur intérêt fut sa première loi.



O Jeanne ! il sait que ton beau pucelage
De la victoire est le précieux gage ;
Il respectait Denys et tes appas :
Semblable au chien courageux et fidèle,
Qui, résistant à la faim qui l’appelle,
Tient la perdrix et ne la mange pas.
Mais quand il vit que le baudet céleste
Avait parlé de sa flamme funeste,
Dunois voulut en parler à son tour.
Il est des temps où le sage s’oublie.
C’était, sans doute, une grande folie
Que d’immoler sa patrie à l’amour.
C’était tout perdre ; et Jeanne, encor honteuse
D’avoir d’un âne écouté les propos,
Résistait mal à ceux de son héros.
L’amour pressait son âme vertueuse :
C’en était fait, lorsque son doux patron
Du haut du ciel détacha son rayon,
Ce rayon d’or, sa gloire et sa monture,
Qui transporta sa béate figure,
Quand il chercha, par ses soins vigilants,
Un pucelage aux remparts d’Orléans.
Ce saint rayon, frappant au sein de Jeanne,
En écarta tout sentiment profane.
Elle cria : " Cher bâtard, arrêtez ;
Il n’est pas temps, nos amours sont comptés :
Ne gâtons rien à notre destinée.
C’est à vous seul que ma foi s’est donnée ;
Je vous promets que vous aurez ma fleur :
Mais attendons que votre bras vengeur,
Votre vertu, sous qui le Breton tremble,
Ait du pays chassé l’usurpateur :