Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/36

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Mais Jeanne d’Arc eut un cœur de lion :
Vous le verrez, si lisez cet ouvrage.
Vous tremblerez de ses exploits nouveaux ;
Et le plus grand de ses rares travaux
Fut de garder un an son pucelage.
FuÔ Chapelain[1], toi dont le violon,
De discordante et gothique mémoire,
Sous un archet maudit par Apollon,
D’un ton si dur a raclé son histoire ;
Vieux Chapelain, pour l’honneur de ton art,
Tu voudrais bien me prêter ton génie :
Je n’en veux point ; c’est pour Lamotte-Houdart[2],
Quand l’Iliade est par lui travestie.
AuLe bon roi Charle, au printemps de ses jours,
Au temps de Pâque, en la cité de Tours,
À certain bal (ce prince aimait la danse)
Avait trouvé, pour le bien de la France,
Une beauté nommée Agnès Sorel[3].

  1. Tous les doctes savent qu’il y eut, du temps du cardinal de Richelieu, un Chapelain, auteur d’un fameux poëme de la Pucelle, dans lequel, à ce que dit Boileau,

    Il fit de méchants vers douze fois douze cents.


    Boileau ne savait pas que ce grand homme en fit douze fois vingt-quatre cents, mais que, par discrétion, il n’en fit imprimer que la moitié. La maison de Longueville, qui descendait du beau bâtard Dunois, fit à l’illustre Chapelain une pension de douze mille livres tournois. On pouvait mieux employer son argent. (Note de Voltaire, 1762.) — Le manuscrit du poëme de la Pucelle, composé de vingt-quatre chants, se trouve à la Bibliothèque royale. (R.)

  2. Lamotte-Houdart, auteur d’une traduction en vers de l’Iliade, traduction très-abrégée, et cependant très-mal reçue. Fontenelle, dans l’éloge académique de Lamotte, dit que c’est la faute de l’original. (Note de Voltaire, 1762.) — Fontenelle n’a point composé d’éloge de Lamotte ; mais en répondant, au nom de l’Académie française, à l’évêque de Luçon, successeur de Lamotte, il dit que le défaut le plus essentiel qui empêcha sa traduction de réussir, et peut-être le seul, c’est d’être l’Iliade. (R.)
  3. Agnès Sorel, dame de Fromenteau, près de Tours. Le roi Charles VII lui donna le château de Beauté-sur-Marne, et on l’appela dame de Beauté. Elle eut deux enfants du roi son amant, quoiqu’il n’eût point de privautés avec elle, suivant les historiographes de Charles VII, gens qui disent toujours la vérité du vivant des rois. (Note de Voltaire, 1762.) — Voltaire avait probablement en vue l’historien Jean Chartier, qui parle ainsi (Histoire de Charles VII ; Paris, 1661, in-folio, page 191) des relations de Charles VII et de sa maîtresse : « Quand le roy alloit voir les dames et damoiselles, mesmement en l’absence de la reyne, ou qu’icelle belle Agnès le venoit voir, il y avoit tousjours grande quantité de gens presens, qui oncques ne la virent toucher par le roy au-dessous du menton ; mais s’en retournoit, après les ebattements licites et honestes faits comme à roy appartient, chacun en son logis par chacun soir, et pareillement ladite Agnès au sien. » (R.)