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[-'461 CHANT II. 527

Qui brave Rome, hélas ! impunément,

Sur un vieux mur est un vieux monument,

Reste maudit d'une déesse antique,

Du paganisme ouvrage fantastique,

Dont les enfers animaient les accents

Lorsque la terre était sans prédicants.

Dieu quelquefois permet qu'à cette idole

L'esprit malin prête encor sa parole.

Les Genevois consultent ce démon

Quand par malheur ils n'ont point de sermon.

Ce diable antique est nommé l'Inconstance;

Elle a toujours confondu la prudence :

Une girouette exposée à tout vent

Est à la fois son trône et son emblème ;

Cent papillons forment son diadème :

Par son pouvoir magique et décevant

Elle envoya Charles-Quint au couvent,

Jules Second aux travaux de la guerre ;

Fit Amédée et moine, et pape, et rien\

Bonneval turc-, et Macarti chrétiens.

Elle est fêtée en France, en Angleterre.

Contre l'ennui son charme est un secours.

Elle a, dit-on, gouverné les amours :

S'il est ainsi, c'est gouverner la terre.

Monsieur Grillet^ dont l'esprit est vanté,

Est fort dévot à cette déité :

1. Amédéo, duc de Savoie, retiré à Ripaille, devenu antipape sous le nom de Félix V, en 1440. {Noie de Voltaire, 17G8.)

2. Le comte de Bonneval, général en Allemagne, et bâcha en Turquie, sous le nom d'Osman. {Id., 17G8.)

3. L'abbé Macarty, Irlandais, prieur en Bretagne, sodomite, simoniaque, puis turc. Remprunta, comme on sait, à l'auteur de ce grave poëme 2,000 livres, avec lesquelles il s'alla faire circoncire. Il a rechristianisé depuis, et est mort h Lis- bonne, (/cf., 1708)

4. Celui que l'auteur désigne par le nom de Grillet est en effet un homme d'es- prit, qui joint à une dialectique profonde beaucoup d'imagination. {Id,, 17C8.)

— J'ai dans le texte rétabli Grillet, d'après toutes les éditions du vivant de l'au- teur que j'ai pu voir. Le véritable nom du personnage est Rilliet. Il est mort en 1782. C'est celui que Voltaire recommandait à Tressan, dans sa lettre du 16 auguste 1760. Ce Théodore Rilliet eut un procès très-scandaleux avec sa femme. Ce fut le sujet de trois brochures sur le faux-titre desquelles on lit : Procès romanesque, offrant un sujet de comédie très-riche et très-heureux. La collection forme plus de 600 pages; cependant Senebier l'a omise dans son Histoire littéraire de Genève. Le marquis de Florian, devenu veuf de la nièce de Voltaire, épousa une M'"" Rilliet, qui, d'après Laharpc (voyez sa Correspondance littéraire), avait été la femme de Th. Rilliet. (B.)

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