Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/556

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Que le dieu Mars, Aphrodise 1, Apollon,
Virent brûler, et ne purent défendre.
Las! que devient le pauvre entrepreneur.
Ce Rosimond plus tïénéreux (ju habile-?
A ses dépens il a, pour son malheur,
Fait à grands frais meubler le noble asile
Des doux plaisirs peu faits pour cette ville :
Un seul moment consume l’attirail
Du grand César, d’Auguste, d’Orosmane,
Et la toilette où se coifïa Roxane.
Et lornement de Rome et du sérail,
Rosimond! que devient votre bail?
De tous vos soins quel funeste salaire !
Est-ce à Calvin que vous aurez recoure ?
Est-ce à l’évéque appelé titulaire?
Hélas! lui-même a besoin de secours.
Ah, malheureux! à qui vouliez-vous plaire?
Vous êtes plaint, mais fort abandonné.
Après vingt ans vous voilà ruiné :
De vos pareils c’est le sort ordinaire;
Qui du public s’est fait le serviteur
Peut se vanter d’avoir un méchant maître.
Soldat, auteur, commentateur, acteur.
Également se repentent peut-être.
Loin du public, heureux dans sa maison
Qui boit en paix, et dort avec Suzon 3 !

1. Vénus est nommée en grec Aphrodite. Notre auteur l’appelle Aphrodise : c’est apparemment par euphonie, comme disent les doctes. (Note de Voltaire, 17G8,)

2. M, Rosimond, entrepreneur des spectacles i\ Genève. 11 a perdu plus de quarante mille francs à cet incendie. {Id., 1768.)

— Dans les éditions in-8° et in-lOde 1768, et dans celle de 177i;, après le mot Genève, on lisait : Un des plus honnêtes hommes du monde. Dans l’édition in-16 la note se terminait ainsi : « De sorte qu’il est encore plus à plaindre que celui du théâtre de la Haye, au gros Dindon, » (B.)

3. On accusa de cet incendie le fanatisme religieux ou patriotique des bons Genevois, qui croyaient que, si la comédie s’établissait à Genève, ils seraient ruinés dans ce monde et damnés dans l’autre. C’est par une fiction poétique qu’on l’attribue ici à ceux qui avaient mis cette idée dans la tète de ces pauvres gens. (Note de Voltaire.)