Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/79

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Ils sont tous deux menés incontinent
A ce Chandos, qui terrible en sa rage,
Avait juré de venger son outrage,
Et de punir les brigands ennemis
Qui sa culotte et son fer avaient pris.



Dans ce moment où la main bienfaisante
Du doux sommeil laisse nos yeux ouverts,
Quand les oiseaux reprennent leurs concerts,
Qu’on sent en soi sa vigueur renaissante,
Que les désirs, pères des voluptés,
Sont par les sens dans notre âme excités ;
Dans ce moment, Chandos, on te présente
La belle Agnès, plus belle et plus brillante
Que le soleil aux bords de l’Orient.
Que sentis-tu, Chandos, en t’éveillant,
Lorsque tu vis cette nymphe si belle
A tes côtés, et tes grègues sur elle ?



Chandos, pressé d’un aiguillon bien vif,
La dévorait de son regard lascif.
Agnès en tremble, et l’entend qui marmotte
Entre les dents : " Je raurai ma culotte ! "
A son chevet d’abord il la fait seoir.
" Quittez, dit-il, ma belle prisonnière,
Quittez ce poids d’une armure étrangère. "
Ainsi parlant, plein d’ardeur et d’espoir,
Il la décasque, il vous la décuirasse.
La belle Agnès se défend avec grâce ;
Elle rougit d’une aimable pudeur,
Pensant à Charle, et soumise au vainqueur.
Le gros Bonneau, que le Chandos destine
Au digne emploi de chef de sa cuisine,
Va dans l’instant mériter cet honneur ;
Des boudins blancs il était l’inventeur,
Et tu lui dois, ô nation française,
Pâtés d’anguille et gigots à la braise.



" Monsieur Chandos, hélas ! que faites-vous ?
Disait Agnès d’un ton timide et doux.
— Pardieu, dit-il (tout héros anglais jure)[1],

  1. Les Anglais jurent by God ! God danm me! blood ! etc. ; les Allemands,
    sacrament; les Français, par un mot qui est au jurement des Italiens cc que l’action est à l'instrument; les Espagnols, voto a Dios. Un révérend père récollet a