Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/98

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S’en vont mourir au printemps de leur vie.
Le beau bâtard est garrotté tout nu,
Pour être assis sur un bâton pointu.
Au même instant, une troupe profane
Mène au poteau la belle et fière Jeanne ;
Et ses soufflets, ainsi que ses appas,
Seront punis par un affreux trépas.
De sa chemise aussitôt dépouillée,
De coups de fouet en passant flagellée,
Elle est livrée aux cruels empaleurs.
Le beau Dunois, soumis à leurs fureurs,
N’attendant plus que son heure dernière,
Faisait à Dieu sa dévote prière ;
Mais une œillade impérieuse et fière
De temps en temps étonnait les bourreaux,
Et ses regards disaient : " C’est un héros. "
Mais quand Dunois eut vu son héroïne,
Des fleurs de lis vengeresse divine,
Prête à subir cette effroyable mort,
Il déplora l’inconstance du sort :
De la Pucelle il parcourait les charmes ;
Et regardant les funestes apprêts
De ce trépas, il répandit des larmes,
Que pour lui-même il ne versa jamais.



Non moins superbe et non moins charitable,
Jeanne, aux frayeurs toujours impénétrable,
Languissamment le beau bâtard lorgnait,
Et pour lui seul son grand cœur gémissait.
Leur nudité, leur beauté, leur jeunesse,
En dépit d’eux réveillaient leur tendresse.
Ce feu si doux, si discret, et si beau,
Ne s’échappait qu’au bord de leur tombeau ;
Et cependant l’animal amphibie,
A son dépit joignant la jalousie,
Faisait aux siens l’effroyable signal
Qu’on empalât le couple déloyal.



Dans ce moment, une voix de tonnerre,
Qui fit trembler et les airs et la terre,
Crie : " Arrêtez, gardez-vous d’empaler,
N’empalez pas. " Ces mots font reculer
Les fiers licteurs. On regarde, on avise
Sous le portail un grand homme d’Église,