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8 AME


les animaux vivent, donc il y a dans eux un être, une forme substantielle qui est la vie ?

Si une tulipe pouvait parler, & qu’elle te dit, Ma végétation & moi, nous sommes deux êtres joints évidemment ensemble, ne te moquerais-tu pas de la tulipe ?

Voyons d’abord ce que tu sçais, & de quoi tu es certain, que tu marches avec tes pieds, que tu digères par ton estomach, que tu sens par tout ton corps, & que tu penses par ta tête. Voyons si ta seule raison a pû te donner assez de lumiéres, pour conclure sans un secours sur-naturel que tu as une ame ?

Les premiers Philosophes, soit Caldéens, soit Égyptiens, dirent, Il faut qu’il y ait en nous quelque chose qui produise nos pensées ; ce quelque chose doit être très-subtil, c’est un souffle, c’est du feu, c’est de l’éter, c’est une quintessence, c’est un simulacre léger, c’est une entélechie, c’est un nombre, c’est une harmonie. Enfin, selon le divin Platon, c’est un composé du même, & de l’autre ; ce sont des atômes qui pensent en nous, a dit Épicure après Démocrite. Mais, mon ami, comment un atôme pense-t-il ? avoüe que tu n’en sçais rien.

L’opinion à laquelle on doit s’attacher sans doute, c’est que l’ame est un être immatériel. Mais certainement, vous ne concevez pas ce que c’est que cet être immatériel ; Non, répondent les savans ; mais nous sçavons que sa nature est de penser. Et d’oû le sçavez-vous ?