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crapaud vivant, qu’il conservait chez lui dans un vase plein d’eau ; on ne manqua pas de l’accuser d’être sorcier. On soutint que ce crapaud était le Dieu qu’il adorait, on donna un sens impie à plusieurs passages de ses livres, ce qui est très-aisé & très-commun, en prenant les objections pour les réponses, en interprétant avec malignité quelque phrase louche, en empoisonnant une expression innocente. Enfin la faction qui l’opprimait, arracha des juges l’arrêt qui condamna ce malheureux à la mort.

Pour justifier cette mort il falait bien accuser cet infortuné de ce qu’il y avait de plus affreux. Le minime & très-minime Mersenne a poussé la démence jusqu’à imprimer que Vanini était parti de Naples avec douze de ses Apôtres, pour aller convertir toutes les nations à l’Athéïsme. Quelle pitié ! Comment un pauvre prêtre aurait-il pû avoir douze hommes à ses gages ? comment aurait-il pû persuader douze Napolitains de voyager à grands frais pour répandre partout cette abominable & révoltante doctrine au péril de leur vie ? Un Roi serait-il assez puissant pour payer douze prédicateurs d’Athéïsme ? Personne, avant le père Mersenne, n’avait avancé une si énorme absurdité. Mais après lui on l’a répétée, on en a infecté les journaux, les dictionnaires historiques ; & le monde qui aime l’extraordinaire, a crû sans examen cette fable.

Bayle lui-même, dans ses pensées diverses, parle de Vanini comme d’un athée : il se sert de cet exemple pour appuyer son paradoxe qu’u-