Aller au contenu

Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 2.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

neuf ans de galères pour avoir donné un peu de sel étranger à ses moutons. Mon voisin a été ruiné par un procès pour deux chênes qui lui appartenaient qu’il avait fait couper dans son bois, parce qu’il n’avait pu observer une formalité qu’il n’avait pu connaître ; sa femme est morte dans la misère, & son fils traîne une vie plus malheureuse. J’avoue que ces loix sont justes, quoique leur exécution soit un peu dure ; mais je sais mauvais gré aux loix qui autorisent cent mille hommes à aller loyalement égorger cent mille voisins. Il m’a paru que la plupart des hommes ont reçu de la nature assez de sens commun pour faire des loix ; mais que tout le monde n’a pas assez de justice pour faire de bonnes loix.

Assemblez d’un bout de la terre à l’autre les simples & tranquilles agriculteurs : ils conviendront tous aisément, qu’il doit être permis de vendre à ses voisins l’excédent de son blé, & que la loi contraire est inhumaine & absurde ; que les monnaies représentatives des denrées ne doivent pas plus être altérées que les fruits de la terre ; qu’un père de famille doit être le maître chez soi ; que la religion doit rassembler les hommes pour les unir, & non pour en faire des fanatiques & des persécuteurs ; que ceux qui travaillent, ne doivent pas se priver du fruit de leurs travaux pour en doter la superstition & l’oisiveté ; ils feront en une heure trente loix de cette espèce, toutes utiles au genre humain.