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Athée, Athéisme. Sect. I.

poisonnant une expression innocente. Enfin la faction qui l’opprimait, arracha des juges l’arrêt qui condamna ce malheureux à la mort.

Pour justifier cette mort il fallait bien accuser cet infortuné de ce qu’il y avait de plus affreux. Le minime & très minime Mersenne a poussé la démence jusqu’à imprimer que Vanini était parti de Naples avec douze de ses apôtres, pour aller convertir toutes les nations à l’Athéïsme. Quelle pitié ! Comment un pauvre prêtre aurait-il pu avoir douze hommes à ses gages ? comment aurait-il pu persuader douze Napolitains de voyager à grands frais pour répandre partout cette abominable & révoltante doctrine au péril de leur vie ? Un roi serait-il assez puissant pour payer douze prédicateurs d’Athéïsme ? Personne, avant le père Mersenne, n’avait avancé une si énorme absurdité. Mais après lui on l’a répétée, on en a infecté les journaux, les dictionnaires historiques ; & le monde qui aime l’extraordinaire, a cru sans examen cette fable.

Bayle lui-même, dans ses pensées diverses, parle de Vanini comme d’un athée : il se sert de cet exemple pour appuyer son paradoxe qu’une société d’athées peut subsister ; il assure que Vanini était un homme de mœurs très réglées, & qu’il fut le martyr de son opinion philosophique. Il se trompe également sur ces deux points. Le prêtre Vanini nous apprend dans ses dialogues faits à l’imitation d’Érasme, qu’il avait eu une maîtresse nommée Isabelle. Il était libre dans ses écrits comme dans sa conduite ; mais il n’était point athée.