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Athée, Athéisme. Sect. I.

Un siècle après sa mort, le savant La Croze, & celui qui a pris le nom de Philalète, ont voulu le justifier ; mais comme personne ne s’intéresse à la mémoire d’un malheureux Napolitain, très mauvais auteur, presque personne ne lit ces apologies.

Le jésuite Hardouin, plus savant que Garasse, & non moins téméraire, accuse d’Athéïsme, dans son livre Athei detecti, les Descartes, les Arnaulds, les Pascals, les Nicoles, les Mallebranches ; heureusement ils n’ont pas eu le sort de Vanini.

De tous ces faits, je passe à la question de morale agitée par Bayle, savoir, si une société d’athées pourrait subsister ? Remarquons d’abord sur cet article, quelle est l’énorme contradiction des hommes dans la dispute ; ceux qui se sont élevés contre l’opinion de Bayle avec le plus d’emportement, ceux qui lui ont nié, avec le plus d’injures, la possibilité d’une société d’athées, ont soutenu depuis avec la même intrépidité que l’Athéïsme est la religion du gouvernement de la Chine.

Ils se sont assurément bien trompés sur le gouvernement Chinois ; ils n’avaient qu’à lire les édits des empereurs de ce vaste pays, ils auraient vu que ces édits sont des sermons, & que partout il y est parlé de l’Être suprême, gouverneur, vengeur, & rémunérateur.

Mais en même tems ils ne se sont pas moins trompés sur l’impossibilité d’une société d’athées ; & je ne sais comment M. Bayle a pû oublier un exemple frappant qui aurait pu rendre sa cause victorieuse.