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Salomon.

nivers, si les Bramantes, les Michel Anges & les Palladio avaient vû ce bâtiment, ils ne l’auraient pas admiré ; c’était une espèce de petite forteresse quarrée, qui renfermait une cour, & dans cette cour un édifice de quarante coudées de long, & un autre de vingt ; & il est dit seulement que ce second édifice, qui était proprement le temple, l’oracle, le saint des saints, avait vingt coudées de large comme de long, & vingt de haut. Il n’y a point d’architecte en Europe, qui ne regardât un tel bâtiment comme un monument de barbares.

Les livres attribués à Salomon, ont duré plus que son temple. C’est peut-être une des grandes preuves de la force des préjugés & de la faiblesse de l’esprit humain.

Le nom seul de l’auteur a rendu ces livres respectables : on les a crus bons parce qu’on les a crus d’un Roi, & que ce Roi passait pour le plus sage des hommes.

Le premier ouvrage qu’on lui attribue, est celui des Proverbes. C’est un recueil de maximes triviales, basses, incohérentes, sans goût, sans choix & sans dessein. Peut-on se persuader qu’un Roi éclairé ait composé un recueil de sentences dans lesquelles on n’en trouve pas une seule qui regarde la manière de gouverner ; la politique, les mœurs des courtisans, les usages de la cour ?

On y voit des chapitres entiers où il n’est parlé que de gueuses, qui vont inviter les passants dans les ruës à coucher avec elles.