Aller au contenu

Page:Voltaire - Traité sur la tolérance 1763.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
163
Traité ſur la Tolérance. Chap. XXII.

le Conſul de l’Académie, & en ſon abſence Buon Matei, auraient pu en conſcience faire couper la langue à tous les Vénitiens & à tous les Bergamaſques qui auraient perſiſté dans leur patois ? »

L’inquiſiteur me répond ; « Il y a bien de la différence, il s’agit ici du ſalut de votre âme ; c’eſt pour votre bien que le Directoire de l’Inquiſition ordonne qu’on vous ſaiſiſſe ſur la dépoſition d’une ſeule perſonne, fût-elle infâme & repriſe de Juſtice ; que vous n’ayez point d’Avocat pour vous défendre, que le nom de votre accuſateur ne vous ſoit pas ſeulement connu ; que l’Inquiſiteur vous promette grâce, & enſuite vous condamne ; qu’il vous applique à cinq tortures différentes, & qu’enſuite vous ſoyez ou fouetté, ou mis aux galères, ou brûlé en cérémonie[1] : Le Père Ivonet, le Docteur Chucalon, Zanchinus, Campegius, Royas, Felinus, Gomarus, Diabarus, Gemelinus, y ſont formels, & cette pieuſe pratique ne peut ſouffrir de contradiction. »

Je prendrais la liberté de lui répondre : « Mon Frère, peut-être avez-vous raiſon, je ſuis convaincu du bien que vous voulez me faire, mais ne pourrais-je pas être ſauvé ſans tout cela ? »

  1. Voyez l’excellent Livre, intitulé : Le Manuel de l’Inquiſition.
L ij