Page:Voltaire - Traité sur la tolérance 1763.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
Traité ſur la Tolérance. Chap. XXII.

veux ni manger, ni contracter, ni converſer avec vous ? »

Quel eſt l’Ambaſſadeur de France, qui, étant préſenté à l’audience du Grand Seigneur, ſe dira dans le fond de ſon cœur : Sa Hauteſſe ſera infailliblement brûlée pendant toute l’éternité, parce qu’elle s’eſt ſoumiſe à la circonciſion ? S’il croyait réellement que le Grand Seigneur eſt l’ennemi mortel de Dieu, & l’objet de ſa vengeance, pourrait-il lui parler ? devrait-il être envoyé vers lui ? Avec quel homme pourrait-on commercer ? quel devoir de la vie civile pourrait-on jamais remplir, ſi en effet on était convaincu de cette idée que l’on converſe avec des Réprouvés ?

Ô ſectateurs d’un Dieu clément ! ſi vous aviez un cœur cruel, ſi en adorant celui dont toute la Loi conſiſtait en ces paroles, Aimez Dieu & votre Prochain, vous aviez ſurchargé cette Loi pure & ſainte, de ſophiſmes & de diſputes incompréhenſibles ; ſi vous aviez allumé la diſcorde, tantôt pour un mot nouveau, tantôt pour une ſeule lettre de l’alphabet ; ſi vous aviez attaché des peines éternelles à l’omiſſion de quelques paroles, de quelques cérémonies que d’autres Peuples ne pouvaient connaître, je vous dirais, en répandant des larmes ſur le Genre-humain : « Tranſportez-vous avec moi au jour où tous les hommes ſeront jugés, & où Dieu rendra à chacun ſelon ſes œuvres. »

L iij