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Traité ſur la Tolérance. Chap. VII.

ſais pas préciſément de quoi, je ne vois que du vague dans ſon apologie ; on lui fait dire en général, qu’on lui imputait d’inſpirer aux jeunes gens des maximes contre la Religion & le Gouvernement. C’eſt ainſi qu’en uſent tous les jours les calomniateurs dans le monde : mais il faut dans un Tribunal des faits avérés, des chefs d’accuſation précis & circonſtanciés ; c’eſt ce que le procès de Socrate ne nous fournit point : nous ſavons ſeulement qu’il eut d’abord deux cents vingt voix pour lui. Le Tribunal des cinq cents poſſédait donc deux cents vingt Philoſophes : c’eſt beaucoup ; je doute qu’on les trouvât ailleurs. Enfin, la pluralité fut pour la ciguë mais auſſi, ſongeons que les Athéniens, revenus à eux-mêmes, eurent les accuſateurs & les Juges en horreur ; que Melitus, le principal auteur de cet Arrêt, fut condamné à mort pour cette injuſtice ; que les autres furent bannis, & qu’on éleva un Temple à Socrate. Jamais la Philoſophie ne fut ſi bien vengée, ni tant honorée. L’exemple de Socrate eſt au fond le plus terrible argument qu’on puiſſe alléguer contre l’Intolérance. Les Athéniens avaient un Autel dédié aux Dieux étrangers, aux Dieux qu’ils ne pouvaient connaître. Y a-t-il une plus forte preuve, non-ſeulement d’indulgence pour toutes les Nations, mais encore de reſpect pour leurs cultes ?