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Traité ſur la Tolérance. Chap. VIII.


    mais c’était après des guerres de Religion, c’était après la conſpiration des poudres, dont pluſieurs Catholiques, indignes de l’être, avaient été convaincus.

    Les premiers Chrétiens du temps de Néron ne ſe trouvaient pas aſſurément dans les mêmes termes. Il eſt très difficile de percer dans les ténèbres de l’Hiſtoire ; Tacite n’apporte aucune raiſon du ſoupçon qu’on eut que Néron lui-même eût voulu mettre Rome en cendres ; on aurait été bien mieux fondé de ſoupçonner Charles II d’avoir brûlé Londres : le ſang du Roi ſon Père, exécuté ſur un échafaud aux yeux du Peuple qui demandait ſa mort, pouvait au moins ſervir d’excuſe à Charles II. Mais Néron n’avait ni excuſe, ni prétexte, ni intérêt. Ces rumeurs inſenſés peuvent être en tout Pays le partage du Peuple ; nous en avons entendu de nos jours d’auſſi folles & d’auſſi injuſtes.

    Tacite, qui connaît ſi bien le naturel des Princes, devait connaître auſſi celui du Peuple, toujours vain, toujours outré dans ſes opinions violentes & paſſagères, incapable de rien voir, & capable de tout dire, de tout croire, & de tout oublier.

    Philon dit que Séjan les perſécuta ſous Tibère ; mais qu’après la mort de Séjan, l’Empereur les rétablit dans tous leurs droits. Ils avaient celui des Citoyens Romains, tout mépriſés qu’ils étaient des Citoyens Romains ; ils avaient part aux diſtributions de bled, & même, lorſque la diſtribution ſe faiſait un jour de Sabath, on remettait la leur à un autre jour : c’était probablement en conſidération des ſommes d’argent qu’ils avaient données à l’Etat ; car en tout Pays ils ont acheté la Tolérance, & ſe ſont dédommagés bien vite de ce qu’elle avait coûté.

    Ce paſſage de Philon explique parfaitement celui de Tacite, qui dit qu’on envoya quatre mille Juifs ou Égyptiens en Sardaigne, & que ſi l’intempérie du climat les eût fait périr, c’eût été une perte légère, vile damnum.

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