Page:Voltaire - Traité sur la tolérance 1763.djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
Traité ſur la Tolérance. Chap. XI.

eſt ſeule l’ouvrage de Dieu. Mais en bonne foi, parce que notre Religion eſt divine, doit-elle régner par la haine, par les fureurs, par les exils, par l’enlèvement des biens, les priſons, les tortures, les meurtres, & par les actions de grâces rendues à Dieu pour ces meurtres ? Plus la Religion Chrétienne eſt divine, moins il appartient à l’homme de la commander ; ſi Dieu l’a faite, Dieu la ſoutiendra ſans vous. Vous ſavez que l’intolérance ne produit que des hypocrites ou des rebelles ; quelle funeſte alternative ! Enfin, voudriez-vous ſoutenir par des bourreaux la Religion d’un Dieu que des bourreaux ont fait périr, & qui n’a prêché que la douceur & la patience ?

Voyez, je vous prie, les conſéquences affreuſes du droit de l’intolérance : s’il était permis de dépouiller de ſes biens, de jetter dans les cachots, de tuer un Citoyen, qui ſous un tel degré de latitude ne profeſſerait pas la Religion admiſe ſous ce degré, quelle exception exempterait les premiers de l’État des mêmes peines ? La Religion lie également le Monarque & les mendiants : auſſi, plus de cinquante Docteurs ou Moines ont affirmé cette horreur monſtrueuſe, qu’il était permis de dépoſer, de tuer les Souverains qui ne penſeraient pas comme l’Égliſe dominante ; & les Parlements du Royaume n’ont ceſſé

F