montré que vous et moi soyons éternellement récompensés pour avoir détruit la plus ancienne nation qui soit sur la terre.
LE JÉSUITE. — Que votre nation soit la plus
ancienne ou non, ce n’est pas ce dont il s’agit. Nous
savons que, depuis près de cinq mille ans, votre
empire est sagement gouverné ; mais vous avez
trop de raison pour ne pas sentir qu’il faudrait, sans
balancer, anéantir cet empire, s’il n’y avait que ce
moyen de faire triompher la vérité. Çà, répondez-moi :
je suppose qu’il n’y a d’autres ressources pour votre
salut que de mettre le feu aux quatre coins de la
Chine ; n’êtes-vous pas obligé en conscience de tout
brûler ?
LE MANDARIN. — Non, je vous jure ; je ne brûlerais
pas une grange.
LE JÉSUITE. — Vous avez, à la Chine, d’étranges
principes.
LE MANDARIN. — Je trouve les vôtres terriblement
incendiaires. J’ai bien ouï dire qu’en votre
année 1604 quelques gens charitables voulurent, en
effet, consumer en un moment par le feu toute la
famille royale et tous les mandarins d’une île nommée
l’Angleterre, uniquement pour faire triompher une
de vos sectes sur les ruines des autres sectes. Vous
avez employé tantôt le fer, tantôt le feu à ces saintes