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dialogues philosophiques

mis à notre Europe ce triste discours de l’empereur Yong-tching. Nous sommes d’ailleurs obligés d’avouer que c’était un prince très sage et très vertueux, qui a signalé son règne par des traits de bienfaisance au-dessus de tout ce que nos princes ont jamais fait de grand et de bon. Mais, après tout, les vertus des infidèles sont des crimes ; c’est une des maximes incontestables de notre petit pays. Mais qu’est-il arrivé à ce grand empereur ? il est mort sans sacrements, il est damné à tout jamais. J’aime la paix, je vous l’apporte ; mais plût au ciel, pour le bien de vos âmes, que tout votre empire fût bouleversé, que tout nageât dans le sang, et que vous expirassiez tous jusqu’au dernier, confessés par des jésuites ! Car enfin, qu’est-ce qu’un royaume de sept cents lieues de long sur sept cents lieues de large réduit en cendres ? c’est une bagatelle. C’est l’affaire de quelques jours, de quelques mois, de quelques années tout au plus, et il s’agit de la gloire éternelle que je vous souhaite.


LE MANDARIN. — Grand merci de votre bonne volonté. Mais, en vérité, vous devriez être contents d’avoir fait massacrer plus de cent mille citoyens au Japon. Mettez des bornes à votre zèle. Je crois vos intentions bonnes ; mais quand vous aurez armé, dans notre empire, les mains des enfants contre les pères, des disciples contre les maîtres, et des peuples contre les rois, il sera certain que vous aurez commis un très grand mal ; et il n’est pas absolument dé-