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dialogues philosophiques

est prodige dans l’antiquité. Quoi ! vous ne croyez pas aux miracles rapportés par les Hérodote et les Tite-Live, par cent auteurs respectés des nations ; et vous croyez à des aventures de la Palestine racontées, dit-on, par Jean et par Marc, dans des livres ignorés pendant trois cents ans chez les Grecs et chez les Romains, dans des livres faits sans doute longtemps après la destruction de Jérusalem, comme il est prouvé par ces livres mêmes, qui fourmillent de contradictions à chaque page ! Par exemple, il est dit dans l’Évangile de saint Mathieu que le sang de Zacharie, fils de Barac, massacré entre le temple et l’autel, retombera sur les Juifs : or, on voit dans l’histoire de Flavius Josèphe que ce Zacharie fut tué en effet entre le temple et l’autel pendant le siège de Jérusalem par Titus. Donc cet évangile ne fut écrit qu’après Titus. Et pourquoi Dieu aurait-il fait ces miracles ? pour être condamné à la potence chez les Juifs ! Quoi ! il aurait ressuscité des morts, et il n’en eût recueilli d’autre fruit que de mourir lui-même, et de mourir du dernier supplice ! S’il eût opéré ces prodiges, c’eût été pour faire connaître sa divinité. Songez-vous bien ce que c’est que d’accuser Dieu de s’être fait homme inutilement, et d’avoir ressuscité des morts pour être pendu ? Quoi ! des milliers de miracles en faveur des Juifs pour les rendre esclaves, et des miracles de Jésus pour faire mourir Jésus en croix ! Il y a de l’imbécillité à le croire, et une fureur bien criminelle à l’enseigner quand on ne le croit pas.