LE CALOYER. — Je ne nie pas que vos objections
ne soient fondées, et je sens que vous raisonnez de
bonne foi ; mais enfin convenez qu’il faut une religion
aux hommes.
L’HONNÊTE HOMME. — Sans doute, l’âme demande
cette nourriture ; mais pourquoi la changer
en poison ? pourquoi étouffer la simple vérité dans
un amas d’indignes mensonges ? pourquoi soutenir
ces mensonges par le fer et par les flammes ? Quelle
horreur infernale ! Ah ! si votre religion était de Dieu,
la soutiendriez-vous par des bourreaux ? Le géomètre
a-t-il besoin de dire : Crois, ou je te tue ? La
religion entre l’homme et Dieu est l’adoration et la
vertu ; c’est entre le prince et ses sujets une affaire
de police ; ce n’est que trop souvent, d’homme à
homme, qu’un commerce de fourberie. Adorons Dieu
sincèrement, simplement, et ne trompons personne.
Oui, il faut une religion ; mais il la faut pure, raisonnable,
universelle : elle doit être comme le soleil qui
est pour tous les hommes, et non pas pour quelque
petite province privilégiée. Il est absurde, odieux,
abominable, d’imaginer que Dieu éclaire tous les
yeux, et qu’il plonge presque toutes les âmes dans les
ténèbres. Il n’y a qu’une probité commune à tout l’univers ;
il n’y a donc qu’une religion. Et quelle est-elle ?
vous le savez ; c’est d’adorer Dieu et d’être juste.
LE CALOYER. — Mais comment croyez-vous
donc que ma religion s’est établie ?