Page:Voltaire Dialogues philosophiques.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
213
dialogues philosophiques

main ; je lui demandai humblement son nom.

« Je suis Numa Pompilius, me dit-il ; je succédai à un brigand et j’avais des brigands à gouverner : je leur enseignai la vertu et le culte de Dieu ; ils oublièrent après moi plus d’une fois l’un et l’autre ; je défendis qu’il y eût dans les temples aucun simulacre, parce que la Divinité qui anime la nature ne peut être représentée. Les Romains n’eurent sous mon règne ni guerres ni séditions, et ma religion ne fit que du bien. Tous les peuples voisins vinrent honorer mes funérailles, ce qui n’est arrivé qu’à moi. »

Je lui baisai la main et j’allai au second ; c’était un beau vieillard d’environ cent ans, vêtu d’une robe blanche. Il mettait le doigt médium sur sa bouche, et de l’autre main il jetait des fèves derrière lui. Je reconnus Pythagore. Il m’assura qu’il n’avait jamais eu de cuisse d’or, et qu’il n’avait point été coq ; mais qu’il avait gouverné les Crotoniates avec autant de Justice que Numa gouvernait les Romains, à peu près de son temps, et que cette justice était la chose du monde la plus nécessaire et la plus rare. J’appris que les pythagoriciens faisaient leur examen de conscience deux fois par jour. Les honnêtes gens ! et que nous sommes loin d’eux ! Mais nous qui n’avons été pendant treize cents ans que des assassins, nous disons que ces sages étaient des orgueilleux.

Je ne dis mot à Pythagore pour lui plaire, et je passai à Zoroastre, qui s’occupait à concentrer le feu céleste dans le foyer d’un miroir concave, au