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dialogues philosophiques

milieu d’un vestibule à cent portes qui toutes conduisent à la sagesse. Sur la principale de ces portes, je lus ces paroles qui sont le précis de toute la morale et qui abrègent toutes les disputes de casuistes :

« Dans le doute si une action est bonne ou mauvaise, abstiens-toi. »

« Certainement, dis-je à mon génie, les barbares qui ont immolé toutes les victimes dont j’ai vu les ossements n’avaient pas lu ces belles paroles. »

Nous vîmes ensuite les Zaleucus, les Thalès, les Anaximandre, et tous les sages qui avaient cherché la vérité et pratiqué la vertu.

Quand nous fûmes à Socrate, je le reconnus bien vite à son nez épaté.

« Eh bien ! lui dis-je, vous voilà donc au nombre des confidents du Très-Haut ? Tous les habitants de l’Europe, excepté les Turcs et les Tartares de Crimée qui ne savent rien, prononcent votre nom avec respect. On le révère, on l’aime, ce grand nom, au point qu’on a voulu savoir ceux de vos persécuteurs. On connaît Mélitus et Anitus à cause de vous, comme on connaît Ravaillac à cause de Henri IV : mais je ne connais que ce nom d’Anitus, je ne sais pas précisément quel était ce scélérat par qui vous fûtes calomnié, et qui vint à bout de vous faire condamner à la ciguë.

— Je n’ai jamais pensé à cet homme depuis mon aventure, me répondit Socrate ; mais puisque vous m’en faites souvenir, je le plains beaucoup. C’était un méchant prêtre qui faisait secrètement un com-