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Page:Voltaire Dialogues philosophiques.djvu/226

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dialogues philosophiques

duit d’autres. Les derniers ont encore enchéri sur les premiers. L’histoire véritable de Jésus n’était probablement que celle d’un homme juste qui avait repris les vices des pharisiens, et que les pharisiens firent mourir. On en fit ensuite un prophète, et, au bout de trois cents ans, on en fit un dieu ; voilà la marche de l’esprit humain.

Il est reconnu par les fanatiques, même les plus entêtés, que les premiers chrétiens employèrent les fraudes les plus honteuses pour soutenir leur secte naissante. Tout le monde avoue qu’ils forgèrent de fausses prédictions, de fausses histoires, de faux miracles. Le fanatisme s’étendit de tous côtés ; et enfin, dès qu’il a été dominant, il n’a soutenu que par des bourreaux ce qu’il avait établi par l’imposture et par la démence. Chaque siècle a tellement corrompu la religion de Jésus que celle des chrétiens lui est toute contraire.

Si on a fait dire à Jésus que son royaume n’est pas de ce monde, ceux qui prétendent être les successeurs de ses premiers disciples ont été, autant qu’ils l’ont pu, les tyrans du monde, et ont marché sur la tête des rois. Si Jésus à vécu pauvre, ses étranges successeurs ont ravi nos biens et le prix de nos sueurs.

Considérez les fêtes que Jésus observa ; elles étaient toutes juives ; et nous faisons brûler ceux qui célèbrent des fêtes juives. Jésus a-t-il dit qu’il y avait en lui deux natures ? non ; et nous lui donnons deux natures. Jésus a-t-il dit que Marie était mère de Dieu ? non ; et nous la faisons mère de Dieu.