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les superstitions ; mais on lui impute des choses qu’un sage n’a pu ni faire ni dire. Un sage ne peut chercher des figues au commencement de mars sur un figuier, et le maudire parce qu’il n’a point de figues. Un sage ne peut changer l’eau en vin en faveur de gens déjà ivres. Un sage ne peut envoyer des diables dans le corps de deux mille cochons dans un pays où il n’y a point de cochons. Un sage ne se transfigure point pendant la nuit pour avoir un habit blanc. Un sage n’est point transporté par le diable. Un sage, quand il dit que Dieu est son père, entend sans doute que Dieu est le père de tous les hommes : le sens dans lequel on a voulu l’entendre est impie et blasphématoire.

Il paraît que les paroles et les actions de ce sage ont été très mal recueillies ; que parmi plusieurs histoires de sa vie, écrites quatre-vingt-dix ans après lui, on a choisi les plus improbables, parce qu’on les crut les plus importantes pour des sots. Chaque écrivain se piquait de rendre cette histoire merveilleuse. Chaque petite société chrétienne avait son Évangile particulier. C’est la raison démonstrative pour laquelle ces Évangiles ne s’accordent presque en rien. Si vous croyez à un Évangile, vous êtes obligé de renoncer à tous les autres. Voilà une plaisante marque de vérité qu’une contradiction perpétuelle ; voilà une plaisante sagesse que des folies qui se combattent.

Il est donc démontré que des fanatiques ont séduit d’abord des hommes simples qui en ont ensuite sé-

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